Témoignage
Les routes de l’innovation et de la croissance passent par la Chine – 26/09/19
Les routes de l’innovation et de la croissance passent par la Chine – Alibaba
Le “Club Les Echos” – du groupe de presse éponyme – organise régulièrement des conférences-débats dans ses locaux parisiens. Ce 26 septembre 2019 était ainsi consacré à un débat “Digital prospective”, avec en tête d’affiche, une véritable pointure du web.
En effet, c’est ni plus ni moins le Directeur Général France d’Alibaba Groupe qui est venu partager son expérience avec 150 invités chanceux..
Alors certes, le nom de Sébastien Badault n’a pas (encore) atteint la notoriété de celle d’Alibaba. Mais son parcours inspire le respect chez ceux que le numérique intéresse : ancien de chez Amazon, puis Google et depuis 4 ans, Alibaba… Autant dire que la soirée s’annonçait prometteuse et nous ne fûmes point déçus, tant l’homme est passionnant !

Sébastien Badault (Directeur général France Alibaba Groupe) au Club les Echos
Un pro du web et du e-commerce
Au travers de ses différentes expériences Sébastien Badault a acquis une compréhension globale de la scène numérique mondiale. Franco-américain parfaitement bilingue, son parcours actuel l’enrichit de la vision chinoise, particulièrement adaptative. Le tout, à un moment de l’histoire du web où l’Europe risque de devoir choisir entre USA et Chine si elle n’est pas capable d’exister en propre…
Sébastien Badault lui l’annonce clairement : les routes de l’innovation et de la croissance passent par la Chine. Et à l’issue de la conférence, on est tenté de le croire tant la stratégie du groupe se projette dans l’avenir. Avec humilité malgré sa grande expérience, américaine et chinoise – il nous dépeint la philosophie d’Alibaba.
L’héritage de Jack Ma, fondateur d’Alibaba
S. Badault y tient beaucoup, Alibaba n’est pas un Amazon chinois ! Là où l’Américain intègre tout et décide de tout, le Chinois préfère jouer la complémentarité et lâcher la bride. Par exemple, les marques sont libres de leur présentation, là où Amazon seul décide de ce qu’il met en avant.
Mieux encore, S. Badault a obtenu de faire développer une plate-forme “écrin” dédiée, pour mettre en valeur les marques de luxe françaises. Etonnant quand on considère le choc des systèmes politiques des 2 pays, démocratie contre autoritarisme !
Comme il le précisera lors d’une réponse au public, il n’y a pas de censure sur le e-commerce en Chine. Certains produits sont interdits à la vente en Chine dès le départ, mais ensuite, le groupe est libre de sa politique commerciale.

Jack Ma et Daniel Zhang (le fondateur et l’actuel dirigeant d’Alibaba) – REUTERS/Kim Kyung-Hoon
L’idée d’Alibaba est de s’associer chaque fois qu’il ne possède pas une compétence, plutôt que de perdre du temps à l’acquérir. Il arrive aussi au Groupe de procéder à des rachats, comme celui de la market-place Lazada, leader en Asie du sud-est. Mais plus souvent, Alibaba conclut des joint-ventures (comme avec L’Oréal) ou des alliances (région Ile-de-France par ex., voir plus bas).
Professeur à ses débuts, Jack Ma, le fondateur historique, a insufflé un certain humanisme dans le Groupe. Sébastien Badault aime ainsi à citer les projets mis en place dans les campagnes, pour réduire la fracture avec les grandes villes. Avec le web ainsi mis à disposition des populations, les étudiants formés dans les grandes villes n’hésitent plus à revenir au pays. Ils peuvent alors faire acte de pédagogie auprès des populations locales… la boucle Ma est bouclée. Jack Ma est désormais parti vers d’autres horizons, passant le flambeau à Daniel Zhang.
Alibaba : bien plus que du e-commerce
Assez peu connu en France, le Groupe Alibaba est en réalité une galaxie de sociétés et d’activité. Certaines ne sont présentes qu’en Chine, d’autre à l’inverse, uniquement ailleurs qu’en Chine. L’argent restant le nerf de la guerre, Alibaba mise fortement sur le volet finance avec Alipay notamment.
Fort de ses 700 millions de clients chinois avides de découvrir le monde, il met aussi un pied dans le tourisme. Fliggy est ainsi une plate-forme qui propose d’autres formes que le voyage de masse à la jeune génération chinoise. Dans la logique d’association déjà indiquée, un partenariat a été signé avec la région Ile de France. Celle-ci entend de cette façon faire progresser le nombre de touristes de l’Empire du Milieu de 2,4 à 5 millions par an.
De son côté, Alibaba a évidemment toute la légitimité et la puissance pour accompagner l’explosion du tourisme chinois.

Carte du monde matérialisant l’essor du tourisme chinois (photo Les Echos)
Surtout, là où Alibaba vise loin, c’est dans l’exploitation des données, les fameuses big data. Car la page du e-commerce est déjà écrite, soit on y est, soit on est déjà mort (ou en sursis). L’enjeu de la décennie actuelle, c’est l’exploitation du formidable gisement de données procuré par une activité en ligne.
Mais comme le signale notre orateur, les entreprises ne savent pas toujours comment s’y prendre… …Et interrogent donc Alibaba qui fait alors chauffer ses algorithmes et développe cette nouvelle rente. Exemple concrets d’utilisation des données :
- Un fabricant de biscuits réputés ne comprenait pas pourquoi il ne vendait pas en Chine.
Réponse d’Alibaba, le conditionnement par 24 est inadapté, il faut faire plus petit.
Le fabricant a alors revu sa copie et les ventes ont enfin explosé. - Un leader mondial souhaite lancer une ligne de cosmétiques pour hommes sur le marché chinois sans savoir vraiment quoi proposer.
Un petit tour d’algorithme pour détecter les recherches infructueuses des internautes…
Et Alibaba dresse la typologie des 5 produits à lancer en priorité.
USA / Chine, le choc des titans, 2 philosophies qui s’affrontent, qui l’emportera ? Et si on se réveillait en Europe ?
Philippe Vaginay, DCF
Tous mes remerciements à Salim Behaegel et Mathieu Galippe, Directeur commercial du Groupe Les Echos, pour m’avoir permis d’assister à cette soirée instructive.